ACCEPTABILITE SOCIALE ET MUTATIONS DES DROITS DE LA BIOMEDECINE ET DE LA SANTE
La notion d'acceptabilité sociale apparaît ces dernières années dans les travaux de droit français associée aux interrogations sur la faisabilité des politiques publiques à venir dans des domaines très variés, même si elle a pu être utilisée ponctuellement par la doctrine, il y a une vingtaine d'années, notamment en droit de la bioéthique. Ce concept émergent est mobilisé dès lors qu'une technologie ou une filière nouvelle souhaite être développée, voire démocratisée, les pouvoirs publics proposant ainsi un nouveau modèle de société basé sur l'intérêt général en raison de sa rapidité et/ou son efficacité notamment pour mieux " soigner ".
Deux principales définitions de l'acceptabilité sociale se distinguent, chacune ayant une dimension particulière. Tout d'abord, l'acceptabilité sociale en tant que méthode qui est le résultat d'un long processus de négociation et de coordination. La démocratie participative est intimement liée aux nouveaux ressorts de la légitimité. La dynamique d'acceptabilité sociale en tant que processus, voulant associer les citoyens, avait été initiée dès 2008 par la création d'Etats généraux de la bioéthique pour que les décisions difficiles et sensibles ne soient pas confisquées par les experts. Elle irradie actuellement les choix des décideurs politiques. L'impulseur public de la création de la norme en biomédecine et en santé, le Comité consultatif national d'éthique (CCNE), en 2021, relève que pour éviter les résistances individuelles ou collectives aux projets de santé publique, pouvant conduire à ce qu'un projet, puisse déboucher sur une impasse, comme cela a pu déjà être le cas par le passé, une dimension d'acceptabilité serait indissociable de tout projet de santé publique. Parfois cette co-construction se réalise sur une seule thématique telle la récente Convention citoyenne sur la fin de vie. Ensuite, l'acceptabilité sociale peut également se définir comme l'assentiment de la population à un projet ou une décision résultant du jugement collectif que ce projet ou cette décision est supérieur aux alternatives connues, incluant le statut quo, ce qui était le cas jusqu'à présent sur certains aspects de la fin de vie. Le résultat peut avoir un caractère provisoire conférant une dimension dynamique à l'acceptabilité sociale.
Notre société ne peut plus être réformée dans les champs de la biomédecine et de la santé sans cette acceptabilité sociale de la société civile ou de certains de ses acteurs qui doivent mettre en application les mutations juridiques proposées. Des "outils" juridiques et des stratégies sont mis en place pour faire évoluer le niveau de tolérance. La pédagogie est également utilisée comme l'illustre l'avis du CCNE intitulé L'eugénisme : de quoi parle-t-on ? La méthodologie pour obtenir l'acceptabilité sociale peut aussi être la disparition de l'interdit, l'utilisation de la technique du "nudge" législatif voire le recours à la régulation plutôt qu'à la réglementation. Le renouvellement des valeurs éthiques soubassement de la règle de droit est également un procédé utilisé.
Les mutations des droits de la biomédecine et de la santé sont donc dorénavant conditionnées en France à leur acceptabilité sociale. L'acceptabilité sociale est obtenue dans d'autres pays avec des stratégies ou des outils différents voire avec des procédés semblables qui seront mis en lumière lors de ce colloque international dans une démarche de droit prospectif. La réflexion lors de ces deux journées sera menée, au-delà des aspects juridiques au niveau national et en droit comparé, par l'apport d'autres disciplines (philosophie, sociologie, médecine) car la mutation des normes sociales et juridiques ne peut s'élaborer sans le regard interdisciplinaire.
Programme
28 juin 2023
- 13h30 Accueil du public
- 14h Allocution d'ouverture Jean-Gabriel Contamin, Doyen de la Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales, Université de Lille
- 14h10 L'acceptabilité sociale, un concept émergent en France mobilisé en droit de la biomédecine et de la santé Bérengère Legros, maître de conférences HDR, Université de Lille
I - Acceptabilité sociale et amélioration des " soins " Sous la présidence de Bernard Bioulac, professeur émérite de l'Université de Bordeaux, membre de l'Académie Nationale de Médecine, ancien membre du Comité consultatif national d'éthique et de Bérengère Legros, maître de conférences HDR, Université de Lille
- 14h30 " Nudge " et acceptabilité sociale en santé Jean-Paul Markus, professeur de droit, Université de Paris-Saclay
- 15h Acceptabilité sociale et mutations du droit de la bioéthique Bérengère Legros, maître de conférences HDR en droit, Université de Lille
- 15h30 Acceptabilité sociale, le renouveau de l'éthique en santé publique ? Yannis Constantinidès, professeur de philosophie et d'éthique appliquée, Espace éthique IDF et Paris-III
- 16h Pause
- 16h20 Les nouvelles frontières du vivant. Le regard de la sociologue Céline Lafontaine, professeure de sociologie, Université de Montréal
- 16h50 Discussion avec le public
- 17h30 Fin des travaux de la journée
29 juin 2023
- 8h30 Accueil du public
- 8h45 Reprise des travaux Présentation par Bérengère Legros, maître de conférences HDR, Université de Lille
II - Acceptabilité sociale et revendications sociétales Sous la présidence de Thérèse Callus, professeure de droit à l'université de Reading et de Bérengère Legros, maître de conférences HDR, Université de Lille
A - Acceptabilité sociale et évolution de la filiation
- 8h50 De l'IVG à la PMA pour toutes Sophie Paricard, professeure de droit, Institut national universitaire d'Albi, Institut de droit privé, Université Toulouse Capitole
- 9h15 Transgenre, reproduction et filiation Camille Bourdaire, maître de conférences en droit, Université Paris Nanterre -CEDCACE Tatiana Gründler, maître de conférences en droit, Université Paris Nanterre -CTAD UMR 70-74
- 9h50 Maternité de substitution : l'acceptabilité sociale partielle par le droit prétorien Amandine Cayol, maître de conférences en droit, Université de Caen-Normandie
B - Acceptabilité sociale et fin de vie
- 10h10 Les mots de la fin (de vie) François Vialla, professeur de droit, Directeur de l'Ecole de Droit de la Santé, Université de Montpellier
- 10h40 La France en marche vers le suicide assisté ? Aline Cheynet de Beaupré, professeur de droit, Université d'Orléans
- 11h10 Pause
C - Acceptabilité sociale et revendications sociétales en droit comparé
- 11h30 Acceptabilité sociale et fin de vie en droit allemand Silvia Deuring, conseillère académique et postdoctorante à la Chaire de droit civil et de droit médical, Université Ludwig Maximilian de Munich
- 12h Acceptabilité sociale et revendications sociétales en droit anglais : du berceau au tombeau Thérèse Callus, professeure de droit à l'université de Reading
- 12h30 Acceptabilité sociale et revendications sociétales en droit espagnol María Belén Andreu Martínez, professeure de droit, Université de Murcie
- Pause méridienne
III - Acceptabilité sociale et technologies disruptives Sous la présidence de Marcel Moritz, maître de conférences HDR en droit public à l'Université de Lille-CERAPS-UMR 80265 et de Bérengère Legros, maître de conférences HDR, Université de Lille Reprise des travaux
- 14h L'acceptabilité dans le numérique en santé Bénédicte Bévière-Boyer, maître de conférences HDR en droit, Université Paris 8
- 14h30 Numérique en santé : des consentements impossibles à refuser ? Robin Cremer, directeur de l'Espace de réflexion éthique des Hauts-de-France
- 15h Acceptabilité sociale et Espace européen des données de santé Audrey Dequesnes, doctorante en droit, Université de Lille, CERAPS-UMR 8026
- 15h30 Acceptabilité sociale et intelligence artificielle Cécile Crichton, doctorante en droit, Université de Paris Cité
- 16h Acceptabilité sociale et usage des IA : entre ignorance, indifférence et utilité publique Stéphane Zygart, philosophe, Université de Lille 16h30 Social acceptability and legitimate interest in data-driven health research Acceptabilité sociale et intérêt légitime dans les recherches portant sur la numérique en santé Basak Bak, maître de conférences, Université de Reading
- 17h Discussion avec le public
- 17h30 Propos conclusifs Noël-Jean Mazen, maître de conférences HDR en droit, Université de Bourgogne, président du CESAAD, directeur scientifique du CIEREMC.