Les normes à l'epreuve de la génétique et de la médecine génomique

6 octobre 2020 : e-colloque sur la "démocratisation" du séquençage du génome organisé par la faculté des sciences juridiques et l'espace éthique des Hauts-de-France

Le séquençage du génome humain en 2001 a révolutionné l'approche de la recherche en génétique. Il a permis l'essor de la génomique en ouvrant la porte à une nouvelle médecine : la médecine génomique. Par la suite, la division de son coût par 100.000 en dix ans grâce aux nouvelles techniques de séquençage à haut débit (Next Generation Sequencing, NGS) a entraîné la " démocratisation " de son accès.

Cette évolution bouleverse les utilités et pratiques de la génétique en contexte de soin. L'accès facilité à ces nouveaux outils de séquençage du génome, techniques de lecture de l'ADN du patrimoine génétique permettant de repérer les éventuelles variations ou mutations, transforme la prise en charge du patient. Le séquençage permet en effet de mieux comprendre les causes de la maladie et révolutionne la médecine aux fins de mieux soigner, voire de proposer des mesures de prévention. Les médecins prescripteurs ne sont plus alors nécessairement les généticiens mais d'autres praticiens intervenant lors de la phase prénatale ou lorsque l'humain est né et que l'opportunité de la mise en place de thérapies adaptées à l'aide des caractéristiques génétiques est recherchée notamment en cancérologie. Cette démarche " théranostique " tend d'ailleurs à prospérer dans de nouveaux champs de la médecine. La médecine génomique est devenue pour les pouvoirs publics un enjeu de santé publique. Ils souhaitent qu'elle soit intégrée dans le parcours de soins et qu'elle soit utilisée en " routine ".

Les informations génomiques héritées ou acquises à un stade précoce du développement prénatal révélées par le séquençage du génome réalisé en médecine de précision ou en médecine prédictive interpellent par leur foisonnement. L'enjeu éthique de leur transmission diffère selon que l'information est un diagnostic ou simplement un dépistage. Ce dernier introduit un caractère probabiliste, les gènes identifiés pouvant être seulement des gènes de prédisposition (forte probabilité) ou de susceptibilité (faible probabilité).

Certaines caractéristiques génétiques peuvent donner lieu à une prise en charge, d'autres non. Les praticiens cliniciens et biologiques se trouvent face à un dilemme éthique : " dire ou ne pas dire? ". L'information transmise concerne alors le patient lui-même, sur son futur, sur la perspective d'un éventuel projet de procréation mais aussi sa famille qu'il doit obligatoirement informer directement ou par l'intermédiaire d'un médecin dès lorsqu'il y a un critère de gravité et que des mesures de prévention, y compris de conseil en génétique, ou de soins peuvent lui être proposée. 
La question de la régulation se pose en France mais elle est partagée par l'ensemble des pays. Si sur certains de ces aspects, certaines sociétés savantes de médecins ont déjà pu élaborer des recommandations de bonnes pratiques (ethics guidelines), le droit au niveau mondial est saisi par la nécessité de repenser la norme juridique. 
En France, la troisième réforme du droit de la bioéthique, en cours de discussion parlementaire, doit créer un équilibre entre les intérêts individuel, familial et général. Le droit doit permettre à chaque patient de prendre la mesure des enjeux éthiques et juridiques liés à l'éventuel séquençage de son génome. Parallèlement le droit devra garantir le respect de sa vie privée pour qu'aucune discrimination ne soit subie.

L'accès aux informations génomiques réinterroge également la régulation sur l'opportunité de modifier de manière ciblée le génome aux fins de soigner. L'innocuité d'une telle modification transmissible à la descendance humaine n'est pour le moment pas assurée, comme l'a rappelée le Comité Consultatif National d'éthique dans son avis n°133 " Enjeux éthiques des modifications ciblées du génome : entre espoir et vigilance ", rendu public en mars 2020, néanmoins la régulation semble devoir être prospective.

La réflexion sera menée au-delà des aspects juridiques au niveau national et international(Allemagne, Belgique, Canada, Etats-Unis, Royaume-Uni), par l'apport d'autres disciplines : génétique, philosophie, psychologie, économie, sociologie.