Agir contre les maltraitances dans le système de santé : une nécessité pour respecter les droits fondamentaux

Dans un texte publié le 22 mai suite à une auto saisine, la CNCDH qui pointe les effets pervers de la tarification à l'activité émet 32 recommandations pour lutter contre la maltraitance par le système de santé.

Assimilée à une Autorité Administrative Indépendante, la commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH) est une structure de l'Etat qui assure , auprès du gouvernement et du parlement un rôle de conseil et de proposition dans le domaine des droits de l'homme, du droit et de l'action humanitaire et du respect des garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques. Elle est composée de 64 personnalités et représentants d'organisations issues de la société civile. Elle est le reflet de la diversité des opinions s'exprimant en France sur les questions liées aux droits de l'homme et du droit international humanitaire.

 

 


 

Synthèse des recommandations

  • Recommandation n°1 : La Commission recommande d'aligner chaque année le plafond de l'ONDAM (Objectif national de dépenses d'assurance maladie) sur les prévisions de croissance "naturelle" des dépenses de santé (environ 4%) et d'abandonner le principe de "tarification à l'activité" qui favorise paradoxalement la concurrence entre les établissements et l'accroissement des dépenses.
  • Recommandation n°2 : La CNCDH recommande d'initier une collecte de données et de procéder à une évaluation tant quantitative que qualitative de l'ensemble des actes de maltraitance, envers les soignants et patients et la création d'indicateurs spécifiques pour mesurer l'étendue de ces actes.
  • Recommandation n°3 : La CNCDH recommande la mise en place d'une politique publique de lutte contre les maltraitances dans le système de santé, pilotée en concertation avec les différents ministères et institutions concernées, et appuyée sur l'évaluation systématique de l'impact des réformes sur les plus pauvres et les plus discriminés.
  • Recommandation n°4 : Pour les cas ne relevant pas de la justice, la CNCDH recommande la création d'une commission paritaire patients-soignants en charge de la médiation et de la sanction des professionnels de santé impliqués dans les cas de manquement à l'éthique.
  • Recommandation n°5 : Au regard des discriminations, des difficultés d'accès aux soins dont sont victimes les populations les plus vulnérables, la CNCDH recommande la création d'une protection maladie effectivement universelle, en fusionnant l'Aide Médicale d'Etat et la Couverture Maladie Universelle, sans droit d'entrée et intégrée au régime général de la sécurité sociale, qui puisse être délivrée en urgence au guichet de la caisse d'assurance maladie et qui garantisse au médecin un paiement rapide des soins effectués. Pour faciliter les démarches, il conviendrait d'ouvrir aux bénéficiaires des minima sociaux un accès automatique à la CMU-C.
  • Recommandation n°6 : La Commission recommande la mise en place de PASS dotées d'une véritable équipe d'accueil, comprenant a minima médecin, infirmier et aides oignant,accompagnés d'un travailleur social voire d'un interprète ou d'un médiateur et d'un secrétariat médical, en lien avec un dispositif de soins dentaires dans tous les Centre Hospitalo-Universitaires. Elle encourage aussi le développement des PASS mobiles et des PASS Santé mentale. Consciente du coût de cette mise en place, la CNCDH insiste sur les économies qu'elle induirait via une amélioration considérable de la prévention.
  • Recommandation n°7 : La CNCDH recommande au gouvernement d'utiliser la licence d'office et de fixer seul le prix du médicament, en confiant la fabrication à un service public si défection de l'industrie pharmaceutique privée pour garantir l'accès aux traitements.
  • Recommandation n°8 : La CNCDH recommande la création d'une institution spécifique chargée de développer la recherche sur la santé des femmes, ou a minima d'un institut thématique spécifique au sein de l'Inserm, à l'image de l'Office of Research on Women's Health créé en 1990 aux Etats-Unis et des programmes similaires existant en Allemagne, en Belgique et aux Pays-Bas.
  • Recommandation n°9 : La CNCDH recommande que pour bénéficier de financements publics et de l'Autorisation de Mise sur le Marché les études cliniques aux trois étapes portent à parité sur les femmes et les hommes, et que diverses corpulences soient représentées, comme c'est le cas aux Etats-Unis pour les études financés par les National Institues of Health.
  • Recommandation n°10 : Afin de mettre en oeuvre des programmes de prévention pertinents, la CNCDH recommande leur élaboration en collaboration avec les associations d'usagers du système de santé et les personnes ciblées en prenant en compte l'ensemble des déterminants sociaux et environnementaux de la santé. Soucieuse d'efficacité, elle recommande que le langage des campagnes de masse soit respectueux de toutes les personnes.
  • Recommandation n°11 : La CNCDH recommande d'adopter une approche participative permettant de renforcer l'adhésion du patient aux conseils de prévention,au projet thérapeutique, et de s'assurer de sa capacité à le mettre en oeuvre.
  • Recommandation n°12 : La CNCDH recommande de garantir l'effectivité du droit à l'accès au dossier médical.
  • Recommandation n°13 : La Commission recommande la représentation des usagers en nombre suffisant pour avoir une influence dans toutes les instances de décision des établissements de santé et dans toutes les institutions et administrations publiques chargées de la politique de santé.
  • Recommandation n°14 : Donner les moyens de bien faire leur travail au personnel soignant en garantissant un taux adéquat d'encadrement dans les établissements de santé et en EPHAD, et en revalorisant les salaires des infirmiers et aides-soignants et en favorisant leur mobilité professionnelle.
  • Recommandation n°15 : Lutter contre l'épuisement professionnel des soignants en les soulageant de certaines tâches administratives et d'accompagnement via des embauches de personnels dans les établissements de santé ou avec un forfait dédié pour les soignants exerçant en libéral, en encourageant le développement d'équipes pérennes et de groupes de paroles avec la participation de psychologues.
  • Recommandation n°16 : Considérant le secteur de la santé comme un milieu à risques, la CNCDH propose de modifier le compte professionnel de prévention afin de protéger les professions de santé. Elle recommande de reconnaître à nouveau la pénibilité du travail des infirmiers et de certains médecins exerçant dans des conditions particulièrement difficiles.
  • Recommandation n°17 : La CNCDH recommande la création d'un véritable statut de médiateur en santé, avec un diplôme qui pourrait être basé sur une Validation des Acquis de l'Expérience et une courte formation universitaire notamment sur les aspects déontologiques. Ces médiateurs devraient être présents dans les structures hospitalières, et notamment dans les services d'urgence.
  • Recommandation n°18 : La Commission recommande de repenser la formation des médecins, en développant la prise en compte des qualités humaines.
  • Recommandation n°19 : La Commission recommande de développer l'observation et la pratique de l'examen clinique tout au long des études de médecine et d'associer les patients, et notamment les patients issus de groupes sociaux exposés aux discriminations, à la formation.
  • Recommandation n°20 : La Commission recommande de remettre en place le tutorat et de s'assurer du bon accompagnement des internes et des jeunes professionnels. Elle insiste sur la nécessité de respecter la législation sur le temps de travail et les repos des curité, dans l'intérêt des soignants comme celui des soignés.
  • Recommandation n°21 : La Commission recommande de développer les formations sur l'accueil et la prise en charge, notamment celle des populations les plus discriminées,en y associant les usagers du système de santé concernés et favoriser les dispositifs de rémunération et de remplacement des médecins partant en formation.
  • Recommandation n°22 : La Commission recommande aussi de développer de nouveaux outils numériques pour aider les médecins à se former et simplifier l'accès aux nouveaux référentiels de prise en charge et aux guides publiés par la HAS.
  • Recommandation n°23 : La Commission recommande la mise en place d'un tarif spécifique, revalorisé, pour la prise en charge des patients ayant des pathologies plus complexes ou dont le handicap ou l'état de santé nécessite des consultations plus longues et un temps de coordination spécifique avec d'autres professionnels.
  • Recommandation n°24 : La Commission recommande de développer les services d'hospitalisation générale, les unités de soins longue durée et les unités de soins palliatifs pour améliorer la prise en charge de la fin de vie et des personnes dépendantes comme alternatives aux EPHAD et aux urgences qui ne sont pas adaptés à la prise en charge de ces patients.
  • Recommandation n°25 : La Commission recommande la création de structures spécialisées adaptées à la prise en charge des personnes handicapées vieillissantes, avec un taux d'encadrement supérieur à celui des EPHAD.
  • Recommandation n°26 : La Commission recommande de favoriser la création de maisons de naissances adossées à des maternités pour garantir la sécurité médicale.
  • Recommandation n°27 : La Commission recommande la création d'une base de données en ligne sur le site Ameli, accessible à tous, indiquant les cabinets, structures de santé et centre d'examens ou laboratoires d'analyses accessibles aux personnes en situation de handicap et disposant de l'équipement adapté.
  • Recommandation n°28 : La Commission recommande de veiller au maillage territorial des cabinets, établissements de soins, centres d'examens et laboratoires d'analyses accessibles aux personnes en situation de handicap afin de faire respecter leur droit à l'accès aux soins.
  • Recommandation n°29 : Afin de favoriser le développement d'une approche globale de la santé, la CNCDH recommande de développer les maisons et centre de santé pluridisciplinaires et de soutenir les professionnels de santé engagés autour d'un projet commun construit à la suite d'une analyse des besoins de la population locale voire en concertation avec elle.
  • Recommandation n°30 : La Commission recommande de développer l'accompagnement des aidants afin de les soulager, notamment en rendant effectif le droit au répit. Pour la CNCDH, le droit au répit ne pourra exister sans véritable politique publique pour la prise en charge de la perte d'autonomie.
  • Recommandation n°31 : La Commission recommande de développer l'accompagnement des aidants afin de les soulager, en améliorant leur formation, en reconnaissant leur compétences et en rendant effectif le droit au répit. Elle souhaite la mise en place d'un plan national en ce sens, accompagné des moyens nécessaires.
  • Recommandation n°32 : La CNCDH recommande l'adoption d'une charte des aidants afin de faire mieux reconnaître leur rôle, leur besoin de protection et la nécessité d'une réelle collaboration entre soignants et aidants.