Confinement
Confinement
Auteur : Dominique Peyrat, MD
Le mot confinement recouvre plusieurs sens. Il semble être apparu à la fin du moyen âge, où une ordonnance royale l'employait pour déterminer un lieu, un terrain. Une évolution fit apparaître un deuxième sens, cette fois concernant l'individu, la personne cloîtrée ou isolée dans un lieu précis. Une troisième évolution plus pénale ou juridique fut relative à l'enfermement cellulaire des criminels. Un quatrième sens peut être compris, celui de limite.
Mais pour nous les soignants, un autre regard peut être porté, celui touchant la maladie. Là où la société de fait confinerait des individus en les classant, les rangeant ou les distinguant.
Il y a des pièges à éviter ou balayer. Pour la société, des maladies se réduisent à un étiquetage où la personne disparaît. On ne voit plus que le manque, l'absence, la fragilité, l'insuffisance. Il y a des domaines de la médecine où celle-ci peine, ne pouvant guérir. Le cancer, la maladie d'Alzheimer, les maladies neurodégénératives seraient t-elles des pathologies confinant les personnes atteintes ?
Les malades cancéreux se sentent t-ils enfermés dans le labyrinthe des protocoles? Dans les pathologies du déclin cognitif quel espace, quelle place reste t-il à la parole et à l'écoute ?
Devons nous prendre conscience du risque d'une finalité pervertie de la médecine ? Ne pas réduire à la perte et à l'absence. La société semble donner l'impression que la contemplation de ces maladies lui est insupportable, voire horrible.
Sommes nous en des temps où les murs se multiplient ? [1]
Des personnes peuvent elles être réduites à des ombres ?
Pourtant un vouloir vivre est la marque de l'être humain. Le confinement peut faire surgir des ressources, des potentialités. Il peut nous laisser le temps de la réflexion, nous interroger sur ce qui fonde nos obligations à agir ou ne pas agir. De fait, nos riens diffèrent peu [2].
Cela peut nous aider à démasquer les faux prophètes, je pense à ces plateaux télévisés où ont surgi une infinité de visages, de paroles, je ne dirai pas d'imposteurs.
Au moment où l'on nous enjoint à porter des masques, le confinement permet paradoxalement le dévoilement. Interrogation métaphysique sur nos vies, fruits d'influences du pur hasard ou guidées par une destinée ? Ce que Schopenhauer désignait comme le plan méthodique de la course vitale de chacun.
Questionnement aussi sur notre rapport au temps, incertitude quant à la fin du confinement et à notre advenir. La crise du Covid-19 n'est pas un conte borgien ; "le monde s'est égaré et les yeux des morts le cherchent" [3].
Références :
- Ernst Junger " Mosaiques", 1960.
- Jorge Luis Borges "poèmes, Emecé SA, 1954
- Jorge Luis Borges « tranchée »
Dominique Peyrat est médecin généraliste, attaché au service d'addictologie du CHU de Lille et à l'EPSM de l'agglomération lilloise et membre de la commission consultative de l'espace éthique du CHU de Lille.