La légion d'honneur aux soignants décédés du Covid ou d'une héroïsation indécente des soignants

 

Par Julie Journeau (31 mars 2020)

La légion d'honneur aux soignants décédés du Covid ou d'une héroïsation indécente des soignants

 

Auteure : Julie Journeau, PhD

Ce jeudi 26 mars, une députée a annoncé avoir déposé une proposition de loi pour décerner la légion d'honneur aux soignants décédés du Covid-19. Cette proposition de loi a suscité des interrogations et des remarques que je souhaite partager.

Nos conditions d'exercice sont difficiles et je pense en particulier à mes co-internes ainsi qu'aux médecins et à l'ensemble du personnel paramédical aux urgences et en réanimation. Pour autant, je pense qu'il ne faut pas se laisser duper par la rhétorique de la guerre de notre gouvernement employée sans aucune limite.

En effet, au lieu d'héroïser de façon indécente les soignants morts sur le champ d'honneur, pour filer une métaphore si chère à nos gouvernants, que ces derniers nous donnent de quoi protéger les patients que l'on doit continuer de soigner et de quoi nous protéger ... que l'on soit hospitalier ou médecin de ville.

Nous demandons des masques, des surblouses et des charlottes. Ce n'est pas compliqué et pourtant cela semble la mer à boire à notre gouvernement qui se confond en annonces dont nous ne voyons pas la couleur. À plus d'un mois du début de l'épidémie, les stocks en masques sont toujours au plus bas, pour ne pas dire inexistants. Cela veut dire que nous devons continuer à soigner nos patients, à domicile pour certains, au cabinet pour d'autres, en sachant pertinemment que le risque que nous les contaminions lorsque nous nous déplaçons à domicile est non négligeable. Il en va de même au cabinet.

Mon message au gouvernement est clair : occupez-vous des masques et de protéger les patients et les soignants au lieu de perdre de l'énergie dans une communication plus que douteuse.

La deuxième chose que je voudrais préciser c'est que je trouve la métaphore de la guerre employée par notre gouvernement assez étrange. Le Covid est un virus, je ne suis pas médecin pour lutter mais pour soigner. Le cœur de notre métier reste le même : soigner, même en période de pandémie. Nous demandons simplement à pouvoir le faire correctement. Notons pour conclure que cette demande ne date pas du passage au stade 3 de la pandémie du Covid-19.


Julie Journeau est interne en médecine générale, membre de la commission générale de l'EEHU de Lille et docteure en philosophie