Quelle place pour les patients partenaires ?

L'Académie nationale de médecine a adopté le 14 mai 2024 un rapport relatif à la place des patients partenaires au sein du système de santé.
Ce texte a été rédigé sur la base de 13 auditions menées par le groupe de travail concerné.

Le concept de patient partenaire s'inscrit dans la dynamique de démocratie en santé initiée entre autres par la loi n° 2022-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, et ce rapport advient dans un contexte de renforcement de cette dynamique de médecine participative.
En effet, des Recommandations récentes de la HAS insistent sur la nécessité de " Renforcer la reconnaissance sociale des usagers pour leur engagement et leur participation dans les secteurs social, médico-social et sanitaire " (juillet 2023), la DGOS vient de sortir un rapport intitulé " Participation des patients à la formation initiale des médecins " (janvier 2024), et le Conseil National de l'Ordre des Médecins vient de publier " Le patient partenaire " (rapport de janvier 2024).

Soutenir l'engagement des patients partenaires à différents niveaux

Le rapport propose d'unifier la terminologie employée pour désigner ce phénomène, en préférant utiliser l'appellation " patient partenaire " plutôt que " patient expert " (ou toute autre dénomination).
Ce choix tient notamment à la crainte de voir s'opposer l'expertise profane à l'expertise médicale, alors que l'objectif est d'encourager une collaboration entre usagers et professionnels. Il s'explique aussi par la volonté de ne pas réduire le rôle de ces usagers impliqués à une fonction d'expertise, étant donné la diversité des engagements dont ils peuvent faire preuve.

Après cette mise au point sémantique, le rapport passe en revue les différents rôles et fonctions pouvant être remplis par les patients partenaires :
- le rôle de pair-aidant, notamment dans le cadre des séances d'éducation thérapeutique, pour faire bénéficier d'autres patients de leur propre expérience de la maladie et des savoirs issus de cette expérience (les " savoirs expérientiels " des patients partenaires étant susceptibles d'éclairer les choix que les patients atteints de la même pathologie ont à faire) ;
- le rôle de patient-enseignant, en particulier auprès des étudiants en santé, pour aider ces derniers à mieux communiquer au sein de la relation de soin et à déconstruire les stéréotypes qu'ils sont susceptibles d'avoir vis-à-vis de leurs patients (témoignages des patients-enseignants mais aussi participation à l'élaboration des programmes d'études) ;
- le rôle de co-chercheur, entre autres pour contribuer à définir les priorités de la recherche biomédicale et participer à leur élaboration, jusqu'à s'imposer éventuellement comme co-auteur des publications aux côtés des chercheurs universitaires (courant de la recherche participative).

De nombreuses études et enquêtes, citées dans le rapport, mettent en exergue les bénéfices de cette participation des patients partenaires pour améliorer la qualité et l'efficacité des soins, renforcer les ressources adaptatives des personnes concernées, aiguiser les compétences en communication et en approche " centrée patient " des professionnels de santé dans le cadre de la relation thérapeutique.

Au vu de ces nombreux bénéfices et du temps parfois important consacré bénévolement par certains patients partenaires, la question de leur rémunération fait actuellement débat. De plus, pour être juste, il faudrait que l'accès au soutien d'un patient partenaire puisse être accessible à tout patient qui le souhaite. Le groupe de travail suggère une coordination au niveau régional. Pour ne pas avoir à compter uniquement sur les bonnes volontés, au risque d'une répartition inégale sur le territoire, la question de la rémunération se pose donc bel et bien.
Cette dernière question rejoint celle de la professionnalisation : peut-on légitimement considérer le fait que devenir patient partenaire comme une " reconversion professionnelle " ?

Nécessité de garantir des garde-fous pour se prémunir contre certaines dérives

Pour ne pas en rester à une vision superficielle et candide de la médecine participative, ce rapport met en garde contre les patients partenaires qui auraient des motivations non compatibles avec les objectifs de la démocratie en santé et de la médecine participative, en particulier des personnes qui poursuivraient des buts mercantiles, voire sectaires.

Afin de se protéger contre ces risques de dérives, le texte pose un certain nombre de garde-fous et réaffirme certains principes, notamment :
- l'importance de requérir une formation obligatoire[1] (initiale et continue) pour les patients partenaires intervenant directement auprès des patients (dans le cadre de séances d'éducation thérapeutique[2] ou de groupes de parole par exemple) ou a minima un accompagnement formatif pour les patients-enseignants ;
- la nécessité de rappeler les limites de l'intervention des patients partenaires, en particulier le fait qu'ils n'ont pas à interférer dans les prises de décision de l'équipe médicale ;
- la présence des patients partenaires ne doit pas conduire les médecins à se décharger de leurs responsabilités s'agissant de l'information des patients ;
- dans le contexte de la recherche participative, les rôles et responsabilités des usagers co-chercheurs doivent être clarifiés dès le départ pour éviter toute " participation alibi " ;
- les patients partenaires sont tenus de respecter le secret médical et la confidentialité, et devraient s'y engager en signant une charte.

Anne-Caroline Clause-Verdreau


Références

[1] Citons notamment l'Université des Patients, pionnière en la matière, créée en 2010 à l'Université Paris Sorbonne, sous la direction de Catherine Tourette-Turgis. Indépendamment des quelques universités délivrant ces formations (Paris, Montpellier, Grenoble), ces dernières peuvent aussi être proposées par certaines Associations de patients, comme par exemple la Fédération Française des Diabétiques ou encore l'Association Patient Expert Addiction.

[2] Une formation de 40 heures est requise pour tous les intervenants dans les programmes d'ETP (arrêtés de 2013 et 2020).

Télécharger ici le rapport de l'Académie dans son intégralité.