Débat à l'Assemblée nationale sur la gestation pour autrui
La députée Valérie Boyer dans sa proposition de loi visant à lutter contre le recours à une mère porteuse [1] met en avant les risques physiques et psychologiques de la GPA pour les gestatrices : « le fait pour une femme d’abandonner son enfant, quand bien même cet abandon procéderait d’un ²acte de générosité² envers un autre couple, peut avoir des répercussions psychologiques lourdes et imprévisibles ». La députée se questionne aussi sur le devenir des enfants issus de la GPA : « les risques pour le développement psychologique des enfants qui apprendront avoir ² fait l’objet² d’un contrat pour leur conception et leur naissance apparaissent également importants ». De ce fait, la député préconise d’interdire la délivrance de certificats de nationalité française des enfants nés de mères porteuses mais aussi la transcription de l’acte de naissance étranger sur les registres français d’état civil, d’alourdir les peines encourues par les couples ayant recours à une mère porteuse à 5 ans d’emprisonnement et à 150 000 € d’amendes et de porter double ces peines lorsque les faits ont été commis à but lucratif.
Le député Philippe Gosselin souhaite que le principe d’indisponibilité du corps humain [2] soit inscrit dans la constitution et donc de rendre inconstitutionnel le recours à la mère porteuse : « la GPA, ou plus simplement en langage courant, ² les mères porteuses², conduit pourtant à une marchandisation du corps humain ou la femme est réduite à un ventre qu’elle peut louer. C’est une forme de réification qui va à l’encontre de toute nos valeurs françaises et républicaines fondées sur l’indisponibilité du corps humain, inacceptable tant pour les couples hétérosexuels qu’homosexuels. »
Interdite en France et sanctionnée par le code pénal (article 227-12), la gestion pour autrui est un délit passible de 6 mois d’emprisonnement et de 7500 € d’amende, néanmoins des couples français y ont recours à l’étranger (estimé à 2000 enfants français issus de GPA à l’étranger [3]).
La circulaire de janvier 2013, dite circulaire Taubira, voulue pour permettre aux enfants nés de GPA à l’étranger d’être traités à égalité avec les autres enfants nés à l’étranger, permets aux parents français d’un enfant né à l’étranger d’une gestation pour autrui d’obtenir la nationalité française. Elle donne droit à un certificat de nationalité sans transcription de l’acte d’état civil.
En 2014, la Cour Européenne des Droits de l’Homme a condamné la France pour avoir refusé de transcrire des états civils d’enfants nés par GPA à l’étranger sur les registres français.
Dans quelle mesure le renversement de la jurisprudence, initialement destiné à améliorer l’intérêt de l’enfant, encourage-t-il les pratiques de GPA ? Refuser la filiation des enfants nés de GPA à l’étranger et sanctionner davantage est-il la meilleure manière d’empêcher les français de recourir à une GPA à l'étranger ? Doit-on à tous prix satisfaire leurs demandes au risque de faire de l’enfant une marchandise ? Qu’adviendra-t-il de ces enfants sur le plan juridique mais aussi psychologique ?
Alors qu’il est possible désormais sur internet, par l’intermédiaire d’entreprises commerciales et moyennant une somme de 29 900€ d’accéder à un programme de gestation pour autrui avec ovocyte de la femme-cliente ou de donneuses, comment peut-on envisager de concilier l’intérêt de l’enfant avec la législation française ?
Le vote a été reporté en séance plénière le 21 juin.
Lire le compte-rendu intégral de la séance du 16 juin 2016 de l'Assemblée nationale