Le conseil scientifique propose une stratégie pour la sortie de confinement
Prérequis
Le Conseil scientifique a identifié six prérequis qui doivent impérativement être remplis avant d’autoriser une levée du confinement, faute de quoi, des risques importants seraient pris.
Prérequis 1. Mise en place d'une gouvernance en charge de la sortie de confinement
- Une gouvernance nationale unifiée et cohérente, y compris en cas de déclinaisons régionales.
- Une prise en compte impartiale des enjeux éthiques, liés notamment aux outils numériques, qui ne doivent pas freiner la lutte contre l'épidémie.
- Une gouvernance coordonnée avec les autres stratégies européennes et tenant compte des enjeux de souveraineté nationale ou européenne, notamment en matière de déploiement d'outils numériques.
- Une gouvernance qui emporte l'adhésion de la population.
Prérequis 2. Des hôpitaux et des services sanitaires reconstitués
- Des services de réanimation et d'hospitalisation soulagés, des équipes soignantes reposées, des stocks de matériel, de traitements et d'équipements de protection reconstitués
- Des établissements intermédiaires pour la prise en charge des patients issus des EHPAD
- Une médecine de ville repositionnée en première ligne, avec intégration des outils de suivi numérique des patients COVID-19 consolidée
Prérequis 3. Des capacités d'identification rapide des cas, de leurs contacts, et d'isolement des patients et de tous les porteurs sains contagieux
- Une capacité diagnostique des nouveaux cas reposant sur des tests RT-PCR fiables et accessibles sur l'ensemble du territoire, après une prescription médicale.
- Un système efficace s'appuyant sur la médecine de ville, des plateformes numériques, et des équipes mobiles pour identifier les cas suspects et les orienter vers des structures de test.
- Des lieux dédiés de diagnostic rapide des cas suspects, avec transmission rapide des résultats des tests aux individus, à leurs médecins et aux systèmes de surveillance pour le suivi de l'épidémie.
- Des plateformes téléphoniques complétées par des équipes mobiles pour la prise en charge des cas diagnostiqués et de leurs contacts.
- Des équipes mobiles et des outils numériques pour un traçage efficace des contacts.
- Des lieux d'hébergement pour les personnes souffrant de formes bénignes de la maladie.
- Un rendu des résultats individuels de RT-PCR ou de la sérologie doit être mis en place avec transfert des données en temps réel aux systèmes de surveillance épidémiologique.
Prérequis 4. Un système de surveillance épidémiologique capable de détecter les nouveaux cas et une reprise de l'épidémie
- Une couverture nationale de la surveillance des nouveaux cas, des hospitalisations, et des admissions en réanimation permettant la production d'indicateurs régionaux, départementaux voire territoriaux (grandes agglomérations).
- Un suivi de la mortalité COVID-19 et autres causes.
- Des enquêtes sérologiques permettant le suivi de l'acquisition de l'immunité en population (test sérologique recherchant des anticorps anti-COVID).
Prérequis 5. Critères épidémiologiques
Le pilotage de la levée de confinement doit se faire en monitorant des paramètres épidémiologiques permettant d'évaluer la performance du nouveau système d'identification des cas, le risque épidémique et le risque sanitaire. Pour que la levée du confinement puisse se faire dans de bonnes conditions, il faut que :
- le nombre journalier d'hospitalisations et d'admissions en réanimation pour COVID-19 soit faible ;
- le nombre de reproduction sur le territoire soit inférieur à 1 (R<1) ;
- le nombre de lits de réanimation occupés et disponibles permette de prendre en charge les cas COVID-19, notamment s'il y a une reprise épidémique, ainsi que les autres pathologies graves.
Prérequis 6. Des stocks de protection matérielle pour l'ensemble de la population
- des masques FFP2 et/ou chirurgicaux disponibles et accessibles pour les soignants et les personnes à risque de contamination en fonction du contexte.
- des gels hydro-alcooliques.
- des masques alternatifs de production industrielle ou artisanale anti-projection disponibles pour l'ensemble de la population et distribués en priorité aux personnes en contact régulier avec le public.
- une éducation à l'utilisation des masques par la population générale.
Stratégie
Le Conseil scientifique propose un scénario de sortie progressive du confinement pour les deux mois à venir reposant sur l’application de mesures dont l’intensité pourra être modulée dans le temps en fonction des indicateurs de suivi. L’ensemble de ces six mesures doit être mis en œuvre et suivi pour qu’une telle stratégie soit non seulement cohérente mais surtout efficace. Des fiches spécifiques concernant les outils, instruments et mesures sont proposées en annexe du document.
Le Conseil scientifique propose une stratégie de sortie de confinement reposant sur :
- Une identification des cas probables la plus large permettant un diagnostic précoce et la mise en œuvre de mesures d'isolement ;
- Une identification des contacts des cas diagnostiqués permettant de réaliser un dépistage systématique de la présence du virus, et un isolement en cas de positivité, y compris pour les personnes asymptomatiques ;
- Des mesures systématiques de réduction des risques de transmission dans la population générale appliquées pendant plusieurs mois en fonction de la cinétique de l'épidémie, notamment le port d'un masque dans les lieux publics et le maintien des règles d'hygiène et de distanciation sociale ;
- Des mesures spécifiques de contrôle de l'épidémie par sous-populations prenant en compte l'âge et la situation sociale ;
- La réalisation à intervalle régulier d'enquêtes permettant d'estimer l'immunisation dans la population. Ces mesures peuvent être localisées en cas de détection d'un cluster
Parmi ces principes détaillés point par point dans le document, c'est certainement le point N°2, développé sous le vocable de "stratégie test et isolement" qui sera le sujet à controverses. En effet le conseil scientifique le fait reposer sur :
- Des plateformes professionnalisées régionales et/ou territoriales reliées aux résultats des tests et disposant des informations permettant d'appeler les cas répertoriés et leurs contacts et de proposer pour chacune des personnes identifiées une solution d'isolement efficace et adaptée. Les enjeux de protection de l'identité des personnes et de confidentialité des données les concernant devront être maitrisés avec le plus haut niveau de sécurité comme pour toute activité à caractère médical.
- Des équipes mobiles de contact tracing et d'isolement notamment pour cibler des populations isolées ou précaires ou en cas d'éclosion de foyers de transmission (clusters).
- Des outils numériques en cours de développement, en lien ave les équipes mobiles. En raison de leur caractère sensible, ces outils doivent être mis au service et pilotés par les autorités de santé publique et que leur déploiement devra être limité à la période de l'état d'urgence sanitaire et être encadré par une gouvernance claire, ouverte et transparente de nature à favoriser l'adhésion de nos concitoyens à leur finalité de santé publique.
En complément de ces mesures de santé publique, le conseil scientifique examine la situation de populations particulières. On comprend qu'il était défavorable à l'ouverture des établissement scolaires avant le mois de septembre en raison de la difficulté d'y établir des mesures barrière. Mais n'ayant d'ores et déjà pas été suivi il a rédigé un avis spécifique sur ce sujet. Concernant les populations à risque, le conseil propose des mesures de confinement volontaires pour ceux qui souhaiteraient se protéger eux-mêmes, en complément des mesures de santé publique destinées à protéger les autres.
Le conseil insiste sur le risque d’une seconde vague épidémique lors de la de la levée de confinement, particulièrement si, comme il est probable, l’immunité collective demeure faible. Il souligne qui pourrait être nécessaire d’appliquer des mesures de distanciation sociales plus strictes pouvant aller jusqu’à un nouveau confinement. Ce dernier pourrait être partiel ou généralisé. Il pourrait être régional ou mis en œuvre sur un territoire spécifique. Il faut éviter ce scénario, aussi bien au plan sanitaire qu’économique.