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Le conseil économique et social propose un droit à une "sédation profonde explicitement létale" pour les personnes refusant les traitements

A mi-parcours des états généraux de la bioéthique la troisième assemblée du pays prend parti pour une nouvelle évolution des lois sur la fin de vie et promeut la dépénalisation conditionnelle de l'euthanasie et du suicide assisté.

La commission temporaire sur la fin de vie (composition) du Conseil économique et social a produit un avis de 90 pages intitulé "Fin de vie : la France à l'heure des choix" qui a été adopté le 10 avril en séance plénière par 107 voix favorables, contre 18 voix défavorables et 44 abstentions.

Il se fonde sur l'insuffisance de l'offre de soins palliatifs, le fait que "la mise en œuvre du droit à la sédation profonde et continue instauré par la loi de 2016 est entravée par des difficultés d'ordre tant médical que juridique et éthique" et "la persistance dans ce contexte de situations dramatiques, certes rares mais récurrentes" pour proposer l'ouverture d'un droit à une sédation explicitement létale (préconisation N°12).

 

L'avis convient lui-même qu' "un tel amendement, qui réaliserait une dépénalisation conditionnelle de l'aide à mourir, devrait préciser la définition de ce soin ainsi que les modalités de l'acte, selon que celui-ci est réalisé par le.la médecin (et donc assimilable à une euthanasie) ou par la personne elle-même (et donc assimilable à un suicide assisté). Cela induit une révision des règles éthiques définies par l'Ordre des médecins pour éviter qu'un acte " dépénalisé " puisse faire l'objet de sanctions professionnelles".

 

Les propositions d'encadrement de ce droit sont les suivantes :

     - la demande devra être formulée par une personne majeure et capable, en dehors de toute influence ou pression extérieure, de façon libre, éclairée et réfléchie. Elle devra être réitérée dans un délai minimal de 48 h après la formulation initiale et rédigée par écrit. Si la personne malade n'est pas en état d'écrire elle-même la demande, celle-ci devra être rédigée par une tierce personne majeure n'ayant aucun intérêt matériel au décès, dans des conditions strictement encadrées par la loi ;

     - l'existence d'une souffrance physique ou psychique inapaisable devra être constatée;

    - le fait que cette souffrance résulte d'une affection incurable, en phase avancée voire terminale, devra constituer la troisième condition.

  • La possibilité d'inclure à ce titre les situations incurables résultant d'accidents et non seulement de maladies est discutée, de même que celle de faire référence à la date prévisible d'engagement du pronostic vital pour fixer une limite maximale (6 mois) ;
  • les modalités de vérification de recevabilité de la demande : celle-ci serait réservée exclusivement au.à la médecin, qui serait tenu.e d'engager un dialogue avec le.la malade afin de fournir à la personne toute l'information sur sa maladie,son pronostic, les possibilités thérapeutiques palliatives existantes et leurs conséquences, et de forger sa conviction que la demande remplit l'ensemble des conditions posées par la loi ;
  • les modalités de réalisation de l'acte d'aide à mourir : un délai maximal après acceptation de la demande, qui ne devrait pas excéder une semaine, pourrait être imposé pour la réalisation de l'acte; l'acte pourrait être effectué par le.la médecin en charge ou par la personne malade elle-même. L'acte de décès devrait porter la mention, comme cela se pratique dans la plupart des pays ayant légalisé l'aide à mourir, de décès naturel. Une clause de liberté de conscience devra être explicitement introduite permettant à tout.e médecin de refuser de prescrire une médication expressément létale, sous réserve de transférer le dossier à un.e autre médecin choisi.e par le.la patient.e, et précisant qu'aucune personne, quelle que soit sa profession, ne devra être obligée de participer à la dispensation ou l'administration d'une médication expressément létale ;
  • les modalités de contrôle des actes d'aide à mourir devraient enfin être précisées. Une instance de contrôle dédiée doit être créée ; une déclaration sur la base d'un formulaire établi par décret devrait être transmise sous un délai de 4 jours par le.la médecin à cette instance, qui pourrait décider en cas de doute d'une audition des personnes concernées (médecins, personne de confiance, référent.e familial.e par exemple) avant la transmission du dossier litigieux à la justice. Il appartiendrait à cette instance de publier un rapport annuel sur la mise en oeuvre de la loi sur les "derniers soins"

A noter que la question d'inclure ou non la fin de vie dans les sujets à mettre en débat lors des états généraux de la bioéthique avait été longuement discutée au moment de la répartition des thèmes entre les espaces éthiques régionaux. Certains considéraient que cela risquait de provoquer une dispersion des discussions alors que la loi Claeys-Leonetti était à peine promulguée et que la législation sur la fin de vie n'avait jamais fait partie des lois de bioéthique. D'autres considéraient que la pression sociale était si forte qu'on ne pouvait l'esquiver.

La publication de cet avis du conseil économique et social à mi-parcours des états généraux de la bioéthique et explicitement en liaison avec ceux-ci est une prise de position forte de la part de la troisième assemblée de France, destinée à peser dans le débat. 

C'est un thème sur lequel vous pouvez donner votre avis sur le site national des états généraux