L’éthique est un sport de combat

 

Par Pierre Louchart (26 mars 2020)

Pierre Louchart, MD, neurologue au CH de Douai

L'éthique est un sport de combat

Auteur : Pierre Louchart, MD

Cette accroche paraphrase bien sûr Guy Debord qui évoquait à l'époque la Sociologie. L'éthique : sport de combat et sentinelle à la fois dans cette situation inédite, qui nous sidère et distord même les temporalités.

Cette crise nous contraint à repenser les frontières, non seulement les frontières réelles qui séparent les pays et les continents, mais aussi les frontières séparant

  • Le public et le privé
  • Le collectif et l'individuel
  • La liberté et la surveillance
  • L'humain et l'animal…

Elle affecte profondément notre système de soins et redistribue l'accès aux ressources ; pour la première fois de son histoire il se trouve entièrement réorganisé autour d'une seule maladie, avec pour conséquences le risque d'un "tri "et une approche s'apparentant à la médecine de guerre, quasiment à l'opposé de nos pratiques habituelles puisqu'il s'agira ici de soigner "ceux qui en valent la peine" et non plus de manière équitable ; sans compter l'émergence à craindre d'individualismes ou encore les laissés pour compte, les malades oubliés.

Loin du paternalisme de certains hommes politiques ou du théâtralisme de certains responsables d'institutions, il nous faudra tirer les leçons anthropologiques, sociologiques, philosophiques et bien sûr éthiques de cette crise sans précédent, au risque sinon de disparaître, purement et simplement, car " même les civilisations sont mortelles ".

D'autres conséquences plus sournoises et non moins dangereuses sont à craindre : le retour d'une manière de "lutte des classes", ou clanique ; l'émergence de violences ; un nouveau moralisme (le contraire de l'éthique) ou des dualismes recyclés.

Pourtant pour contrecarrer cette épidémie mortifère on impose confinement, isolement (à l'échelle individuelle) et isolationnisme (à l'échelle d'un pays, voire d'un continent), ce qui est l'exact contraire des principes du Vivant : le mouvement, la circulation, le nouveau...

Il nous faut désormais et il nous faudra sur le long terme, inventer, créer ; car il y a pire que mourir : disparaître ! Il nous faudra trouver, ou redonner un sens à ce choc des temporalités.

 


 

 Pierre Louchart est médecin, membre du conseil de territoire Nord Pas-de-Calais au sein de l'ERER des Hauts-de-France et coordonnateur de la cellule éthique du CH de Douai.